Depuis deux décennies, le gouvernement avec l’aide de ses partenaires comme le PNUD, a érigé au rang de priorité l’alphabétisation des femmes. Le ministère de la Femme et de la Famille et l’Union Nationale des femmes Djiboutiennes sont sur tous les fronts afin de faire sortir de l’analphabétisme le maximum de femmes. Un programme qui marche plutôt bien et qui a permis à des milliers de femmes adultes de découvrir les plaisirs de la lecture et de l’écriture et de sortir des ténèbres de l’analphabétisme.
Tout d’abord un bref rappel historique s’impose. Depuis son accession à l’indépendance en juin 1977, la République de Djibouti a accordé une place importante à la lutte contre l’analphabétisme et particulièrement celui des femmes. Les premières campagnes d’alphabétisation ont été amorcées autour des années 80 à Djibouti par l’Union nationale des femmes djiboutiennes (UNFD). De 1991 à 1999, six campagnes nationales d’une durée d’au moins 6 mois ont été réalisées par le MENESUP et l’UNFD avec l’appui de l’UNICEF et de la BAD qui ont permis de toucher 7 500 alphabétisées selon l’étude de l’état des lieux de l’alphabétisation de 2009.
Entre 2000 et 2009, des campagnes plus importantes et de plus grande ampleur conduites par le ministère de la promotion de la femme avec le financement de la BID et de l’ADDS ont permis d’alphabétiser 19500 femmes.
Une stratégie d’éducation fonctionnelle comprenant un programme de trois niveaux a été mise en place et la confection de manuels pour les apprenantes, l’élaboration des guides du maitre et l’organisation des sessions de formations au profit des formateurs, l’organisation annuelle des tests d’évaluation pour mesurer les connaissances et les acquis des bénéficiaires et la traduction des manuels en langues nationales. Tous les départements ministériels et la société civile ont été mobilisés pour participer à l’effort national d’alphabétisation des femmes. Il s’agit ici, pour le MFF et l’UNFD, d’améliorer d’une manière générale, la qualité de l’éducation des adultes et de réduire par ce biais, de 50% le taux d’analphabétisme des jeunes filles et des femmes du pays d’ici 2025.
M. Abdillahi Omar Ibrahim, ancien inspecteur de l’éducation nationale travaille comme consultant avec le ministère de la Femme et de la Famille. Il a élaboré cette nouvelle stratégie nationale d’alphabétisation des adultes, d’importance capitale quant au développement socio-économique de la population djiboutienne . Selon cet expert en matière d’éducation : « relever le niveau d’éducation de nos concitoyens matures en situation de vulnérabilité par l’intermédiaire d’une alphabétisation efficace à grande échelle, c’est investir dans l’avenir. Car il est communément reconnu qu’un pays ne peut prétendre être compétitif dans le contexte de la mondialisation si sa population est majoritairement analphabète. »
«Cette stratégie nationale d’alphabétisation s’inscrit dans la vision 2035. Elle a pour objectif d’une part d’alphabétiser le plus grand nombre de Djiboutiens en général et d’autre part de réduire fortement en particulier le taux d’analphabétisme des femmes.».
Ibado, la cinquantaine, le regard vif fait partie de ces femmes qui ont bénéficié de ce programme d’alphabétisation. Aujourd’hui elle se sent elle aussi investie d’une mission : celle de former à son tour ses compatriotes qui n’ont pas eu l’occasion de suivre ce programme.
« Par la grâce de Dieu je suis autonome car je tiens seule la gestion de ma boutique et j’écris toutes les dépenses et les rentrées. Auparavant je faisais appel au service de mes enfants pour tenir la comptabilité. Je compte transmettre ce que je viens de maitriser.», déclare t-elle un sourire en coin.
Djibouti ambitionne de faire sortir de l’analphabétisme 12.000 femmes par an, selon le ministère de la Femme et de la Famille. “La femme est le noyau du développement national. C’est pourquoi l’alphabétisation des femmes adultes est primordiale pour la croissance économique du pays, car cela leur permet de développer leur compétence, de construire et de renforcer leur indépendance économique”, selon la même source.
Les bénéfices sociaux et économiques des programmes d’alphabétisation sont connus depuis longtemps. Les enfants de parents alphabétisés ont plus de chances que les autres d’accéder à l’éducation. Un enfant dont la mère sait lire a 50% de chances de plus de survivre au-delà de sa cinquième année. Quant aux femmes ayant assimilé les acquis fondamentaux de la lecture et de l’écriture, elles développent plus facilement une activité économique leur permettant de mieux subvenir aux besoins de leur famille (soins, hygiène). Une femme alphabétisée en vaut deux peut-on dire.
Dans le cadre d’un programme intitulé «Consolidation de l’autonomisation des femmes et des filles » , le ministère de la femme et de la famille avec l’assistance du PNUD et le soutien financier de l’Union européenne s’est donné comme objectif la réduction de la disparité de genre et le renforcement de l’intégration des femmes. Il comprend un programme national d’alphabétisation, des formations et un appui visant à l’autonomisation économique des femmes. L’observatoire genre est renforcé, des services de planification de qualité sont disponibles et utilisés par les bénéficiaires dans le cadre de ce programme.
« Ce projet couvre les zones périurbaines autour de Djibouti-ville et les zones rurales dans les cinq régions de l’intérieur du pays où le degré d’inégalité et de vulnérabilité est particulièrement élevé. » peut-on lire sur le document signé entre le MFF et le PNUD.
Ce projet a pour objectif global la réduction de la disparité de genre à travers le soutien à la mise en œuvre des politiques du Ministère de la Femme et de la Famille (MFF) en matière d’intégration du genre. Il s’inscrit dans le cadre de la politique de l’Union Européenne en matière de genre, fait partie du Programme Indicatif National du 11ème FED et contribuera à la mise en œuvre du Programme National Genre de la République de Djibouti. Il contribuera aux objectifs de développement durable de l’Agenda 2030, en particulier l’objectif 5 (atteindre l’égalité de genre et la promotion des femmes et des filles). D’autres objectifs visés seront : l’objectif 3 (santé et bien-être),
4 (éducation de qualité), 8 (travail décent et croissance économique), 10 (inégalités réduites), 11 (villes et communautés durables) et 16 (paix, justice et institutions efficaces.
Les bénéficiaires cibles de ce projet sont essentiellement les femmes et jeunes filles vulnérables résidant dans les zones péri- urbaines et rurales qui devront être autonomisées et mieux protégées.
Tous ces efforts du gouvernement pour l’alphabétisation des femmes démontrent, si besoin était, que l’éducation des femmes est inscrite au rang de priorité. Une lutte sans merci est engagée pour venir à bout de l’analphabétisme qui touche une frange importante de la population féminine.